Actualités

Crédit immobilier : une reprise fragile mais progressive jusqu’en 2027

Depuis le début de l’année 2025, le marché du crédit immobilier en France montre des signes de reprise, porté par des conditions de financement plus favorables. Toutefois, plusieurs facteurs rappellent la fragilité de ce redressement, entre hausse des taux longs et marges bancaires comprimées. 

 

Une reprise portée par la détente monétaire

Le marché du crédit immobilier s’est redressé grâce à une amélioration des conditions de financement. La politique de détente monétaire engagée par la BCE a permis de ramener les taux des nouveaux crédits autour de 3,1 % au premier semestre 2025, contre 3,4 % un an plus tôt. Cette évolution a soutenu le marché de l’ancien, avec 907 000 transactions enregistrées à fin juillet 2025, après un point bas à 832 000 en septembre 2024.

Conséquence directe : la production de crédits a connu un net rebond, atteignant 73 milliards d’euros au premier semestre 2025, contre 52 milliards un an auparavant, permettant de financer 381 000 projets.

 

Des signaux de prudence

Malgré ce redressement, plusieurs indicateurs invitent à la vigilance. Les taux immobiliers se stabilisent depuis l’été 2025 et des hausses ponctuelles apparaissent. La remontée récente de l’OAT 10 ans à 3,6 % début septembre illustre l’inquiétude des investisseurs face à l’instabilité politique et aux tensions sur la dette souveraine. Par ailleurs, les marges bancaires restent limitées, réduisant la capacité des établissements à maintenir une politique tarifaire attractive sur le long terme.

Dans ce contexte, Xerfi table sur un scénario central : le marché pourrait continuer sa progression, avec une production de crédits autour de 200 milliards d’euros en 2027, sous réserve d’un environnement financier stable. À l’inverse, un scénario plus dégradé, combinant hausse durable des taux longs et resserrement des spreads bancaires, pourrait provoquer un retournement avant 2027.

 

Optimiser délais, coûts et revenus annexes

 

Le crédit immobilier demeure le produit d’appel principal des banques. Dans un contexte de marges réduites, les établissements mettent en œuvre plusieurs stratégies pour renforcer leur rentabilité.

La réduction des délais constitue un premier levier. L’intelligence artificielle permet d’automatiser les étapes chronophages du processus d’octroi : analyse des pièces justificatives, extraction de données, détection des incohérences. BNP Paribas, par exemple, a réduit ses délais d’instruction de 12 à 6 jours en 2025, avec un objectif de 3 jours pour 2026 sur les dossiers simples. Chez les courtiers, Pretto traite certains dossiers en moins de 24 heures. Cette automatisation diminue les coûts unitaires tout en concentrant les équipes sur les dossiers complexes.

 

Les banques diversifient également leurs revenus à travers des offres « Beyond Banking ». BPCE a créé une ligne métier « Logement et immobilier » mobilisant 37 milliards d’euros pour financer des projets résidentiels et proposer une offre intégrée transaction-rénovation-assurance. Le Crédit Agricole déploie des agences Banque-Immo, combinant services bancaires et immobiliers pour faciliter le cross-selling. Les filiales immobilières, comme Crédit Agricole Immobilier, génèrent des revenus additionnels grâce à la promotion, la gestion locative ou la rénovation.

 

L’accompagnement des primo-accédants, qui représentent plus de la moitié des encours de crédits, constitue un autre axe de développement. Prêts bonifiés, dispositifs dédiés aux jeunes actifs ou suppression du verrou du CDI permettent de fidéliser cette clientèle tout en favorisant la vente de produits annexes (assurance emprunteur, épargne, prévoyance).

 

Des acteurs offensifs sur un marché concurrentiel

Trois catégories d’acteurs se démarquent par leur dynamisme et leur capacité à capter des parts de marché dans ce contexte concurrentiel.

  • Les groupes mutualistes restent les plus offensifs, représentant plus de 81 % des encours de crédits immobiliers en 2024. Le Crédit Agricole mène la course avec 33 % de parts de marché, suivi de BPCE (26,2 %) et du Crédit Mutuel (22 %). Leur stratégie de volume, soutenue par des réseaux denses d’agences et des politiques commerciales agressives, leur permet de consolider le marché malgré la compression des marges.

  • Les banques en ligne et néobanques se distinguent par leur capacité à proposer des parcours fluidifiés et des coûts réduits. BoursoBank, Fortuneo et Hello Bank! accélèrent leur développement sur le crédit immobilier, tandis que Revolut prépare une entrée disruptive, promettant un accord ferme en 24 heures pour les dossiers simples et un objectif de 20 millions de clients en France d’ici 2028.

  • Les courtiers, malgré une baisse de leur part de marché après 2022, restent des acteurs incontournables grâce à leur flux important de dossiers solvables et leur intégration de l’IA pour accélérer les traitements. BNP Paribas, par exemple, a relancé ses partenariats avec Meilleurtaux dès 2024 pour soutenir ses volumes.

 

Le marché du crédit immobilier connaît depuis début 2025 un redressement encourageant, mais sa trajectoire reste fragile. Entre marges bancaires limitées, concurrence exacerbée et risques de hausse des taux, la prudence reste de mise. L’innovation, l’accompagnement des primo-accédants et la diversification des revenus apparaissent comme les principaux leviers pour soutenir la croissance dans ce contexte incertain.