
Alors que la crise politique s’enlise, le secteur du logement reste sans pilote. Entre tensions sur les taux et incertitudes budgétaires, les professionnels redoutent un nouveau coup d’arrêt pour les projets immobiliers. Une situation qui pèse déjà lourdement sur l’économie française.
Une instabilité coûteuse pour la croissance
Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, la France traverse une période d’instabilité prolongée. D’après l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), seize mois de crise politique auraient déjà amputé la croissance de 0,5 point, soit près de 15 milliards d’euros. La prévision de croissance pour 2025 plafonne désormais à 0,8 %, freinée par le gel des investissements et la prudence des ménages.
Les marchés traduisent la méfiance
Cette incertitude politique se reflète clairement sur les marchés financiers. L’OAT à dix ans, référence pour les taux d’emprunt d’État, a grimpé à 3,58 % après la démission du Premier ministre, avant de se stabiliser autour de 3,57 %. L’écart de taux avec l’Allemagne s’est creusé, passant de 0,3 à 0,4 point. Résultat : le coût de la dette française, désormais proche de 3 400 milliards d’euros, augmente mécaniquement.
« Ce n’est pas dramatique, ce n’est pas la Grèce, mais cela va compliquer l’effort budgétaire », analyse Éric Dor, directeur des études économiques à l’IÉSEG.
Crédit immobilier : une remontée mesurée des taux
Ces tensions sur les marchés obligataires se répercutent progressivement sur les taux des crédits immobiliers. Selon Empruntis, les taux moyens s’établissent désormais à 3,10 % sur 15 ans, 3,30 % sur 20 ans et 3,50 % sur 25 ans. En cas de poursuite de l’instabilité, ils pourraient atteindre 3,60 % d’ici fin 2025.
Les ménages résistent, les investisseurs attendent
Malgré la conjoncture politique, le marché de la résidence principale reste actif.
« Le logement demeure un besoin vital. Ceux qui doivent se loger n’ont pas l’intention de reporter leur projet », rappelle Éric Allouche, directeur exécutif du réseau ERA Immobilier.
Les investisseurs, en revanche, adoptent une attitude plus prudente, suspendant leurs décisions dans l’attente d’une clarification sur la fiscalité et la politique du logement. Pourtant, les fondamentaux restent favorables : pénurie de biens à louer, rendements locatifs stables et demande toujours soutenue dans les grandes métropoles.
Un secteur en quête de visibilité
Pour les professionnels, le problème dépasse la seule question des taux : c’est la visibilité politique qui manque.
« L’immobilier ne peut plus être relégué au second plan. Il crée de la richesse, de l’emploi et du lien social. Il devient urgent de débloquer les projets et d’adopter une politique incitative et durable », plaide Éric Allouche.
Agir plutôt qu’attendre
Dans ce climat d’incertitude, le mot d’ordre est clair : ne pas rester immobile. Les conditions de financement demeurent historiquement raisonnables, et les acquéreurs ont tout intérêt à sécuriser leur taux avant une éventuelle dégradation du contexte politique.